Le tambour-major

C'est par une ordonnance du 4 novembre 1651 que le titre de tambour-major avait été donné au chef des tambours d'un régiment. Il s'agissait là d'instituer, de régulariser un usage antérieur puisque, avant cette date, les mestres de camp agissaient sur ce point à leur guise. L'insigne caractéristique des premiers tambours-majors n'était qu'un bâton, à l'origine instrument de correction! Ils s'en servirent pour battre la mesure et, peu à peu, le bâton devint canne à pommeau de métal, voire d'argent, de plus en plus ornementé... de même que les tenues des titulaires. Jacques Bouroux, tambour-major des-Gardes françaises sous Louis XV et qui avait instruit tous les tambours-majors réunis à Paris pour uniformiser les batteries, reput de Louis XVI, le 1er septembre 1776, la croix de Saint-Louis et une pension de 300 livres, soit la valeur de la retraite d'un capitaine. Cette indication est ici donnée pour montrer la satisfaction, l'estime peut- être, que l'on portait au titulaire de la fonction, du moins dans une unité proche du souverain.

L'instruction des tambours débutants était confiée au seul tambour-major mais bientôt, en raison du grand développement des musiques, le malheureux ne put faire face à la tâche. Le rôle éducatif fut confié au tambour-major de chaque bataillon, selon dispositions de l'ordonnance du la janvier 1766 autorisant le plus ancien tambour du bataillon à porter ce titre. Titre qui fut supprimé le 17 mars 1788, date de la création de la fonction de caporal-tambour qui, chargé de l'instruction des jeunes tambours, commande les instrumentistes du 2e bataillon et remplace le tambour-major en cas d' absence. Il est affecté au petit-état-major et c'est en 1803 qu'on lui donne une canne. Canne plus petite et moins richement travaillée que celle du tambour-major, en bois verni, elle se termine par une boule de laiton ou en tôle de fer. Les cordons entourant la canne sont en soie ou en laine mais jamais en fil de métal ou en chaînette comme chez le tambour-major.

En juillet 1811, on nomme un second caporal tambour qui porte havresac et sabre-briquet. Affecté au dépôt du régiment, il est chargé d'initier les recrues. En effet, une école de douze tambours venait d'être créée dans chaque régiment.

En 1800, la 57e brigade de ligne avait trois caporaux-tambours et trois tambours-majors. Le général de brigade Grandjean chargé de surveiller l'application des dispositions de l'arrêté des Consuls du 27 août 1800 ordonnant la normalisation des effectifs signala, le 30 octobre 1800, dans un rapport que la 57e ne comptait plus qu'un seul caporal-tambour et un seul tambour-major.

Les "instructions pour le tambour-major" figuraient au titre III (École du Peloton) du règlement concernant l'exercice et les manœuvres de l'infanterie du 1er août 1791.-- Elles restèrent en vigueur jusqu'au 4 mars 1831, date d'une nouvelle ordonnance. On trouve les signaux du tambour- major pour faire exécuter les différentes batteries. Exemple:

-"Aux Champs " - Élever la canne perpendiculairement, le bout en haut, le bras étendu à hauteur de l'épaule droite.

Les instructions comprennent également les signaux pour les évolutions et pour poser la caisse à terre. Le tambour-major qui avait grade de sergent- major et en portait les galons était presque toujours choisi parmi des hommes de taille élevée.

Et la Garde Impériale ? Ce corps d'élite se devait d'être... à la hauteur! Il l'était, à part le plus célèbre, tambour-major de la plus célèbre et meilleure sans doute, musique, celle des grenadiers à pied. Il s'agit avec ce personnage de l'exception confirmant la règle. C'est Nicolas-Senot qu'on appellera toujours " le brave Senot ", qui le 21 janvier 1800, avait succédé à Lingue à la tête de colonne des grenadiers de la Garde des Consuls. C'est l'Empereur lui-même qui disait " mon beau et brave Senot ". Né à Salins le 4 avril 1761, Senot s'était engagé le 12 mars 1778 au régiment d'Austrasie. Sergent dès le 20 mai 1778, il devint Tambour-major le 4 juin 1784, sous lieutenant, il passa lieutenant le 12 avril 1792, mais démissionna de la 8e demi-brigade le 19 septembre 1793 le jour même de sa nomination de capitaine. Il reprit du service le 11 juin 1797 dans les Guides de Bonaparte. Légionnaire en 1806, il passa au bataillon d'instruction de la Garde le 22 janvier 1814 avec le grade de lieutenant en second. Lors des Cent-Jours il était lieutenant au 2e régiment de grenadiers à pied de la Garde. Il prit sa retraite après Waterloo avec le grade de capitaine et mourut-à Melun en 1837. Deux de ses fils participèrent aux campagnes de l'Empire comme officiers.. Senot est représenté, presque toujours, dans sa magnifique tenue qui coûtait la somme de 30 000 francs, ce qui faisait dire qu'il était préférable de faire prisonnier un tambour major que l'Empereur lui-même.

Si l'on en croit les Mémoires du sergent Bourgogne, la rutilance de la tenue du tambour-major pouvait lui représenter un risque supplémentaire. À son entrée dans Moscou, à peine passé le pont séparant le faubourg de la ville... " qu'un individu, sorti de dessous le pont, s'avança au- devant du régiment... il était armé d'une fourche à trois dents... il marcha fièrement sur le tambour- major... Le voyant bien équipé, galonné, il le prenait peut-être pour un général. Il lui porta un coup de sa fourche que, fort heureusement, le tambour-major évita et, lui ayant arraché son arme meurtrière, il le prit par les épaules et, d'un grand coup de pied dans le derrière, il le fit sauter en bas du pont et rentrer dans les eaux d'où il était sorti un instant avant mais pour ne plus repartir .

Peut-être en raison de son aspect avec son chapeau orné d'un haut plumet, la légende fit de Senot un géant, brun. Or, il était blond et avait juste la taille requise pour Être admis dans la Garde, soit cinq pieds trois pouces. Par contre on trouvait au 2e grenadiers, Vercellana qui cumulait ses fonctions avec celle de maître d'armes et dont la taille était de 1,97 m. Au 3e grenadiers, les " Hollandais ", il y avait Silliakus qui né en Hollande, mourut pendant la campagne de Russie : à lui la palme pour la taille... 2,02 m " tête nue " !